Un montage d’images sur fond sonore publié sur les réseaux sociaux prétend que 358 espions français ont été arrêtés au Burkina Faso.
La vidéo de 53 secondes a été publiée par le compte Tiktok h24info le 19 octobre 2024.
Le montage est réalisé avec quatre images. La première montre l’arrestation de personnes par des forces de l’ordre. La deuxième montre le président français, Emmanuel Macron et le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré. La troisième renvoie à un homme menotté et la quatrième à quatre hommes debout devant trois motos.
Le son qui accompagne les images indique que des espions de la France viennent de tomber dans le piège tendu par le capitaine Ibrahim Traoré. “ Emmanuel Macron est une fois encore honni au Sahel. Le capitaine Ibrahim Traoré a attrapé 358 espions occidentaux plus précisément de la France sur le territoire burkinabè. Le service de renseignement du Burkina Faso a effectué un bon boulot en rendant ces personnes accusées de déstabilisation et des actions terroristes… “.
La publication totalise 636 300 vues, 20 300 mentions j’aime et 619 commentaires à la date du 10 janvier 2025.
Cependant, cette information est infondée.
Vérification
Une recherche avec les mots-clés « arrestation de 358 espions français au Burkina Faso » a abouti à plusieurs publications. Dans un article du 18 octobre 2024, Radio France internationale (RFI) souligne que le ministre burkinabè de la Sécurité, Mahamadou Sana a publié un communiqué indiquant que les forces de police et de gendarmerie ont arrêté 358 personnes pour des « faits d’observations hostiles ou d’espionnage de nature terroriste ».
Le site d’information burkinabè WakatSera a quant à lui publié le 17 octobre 2024 le communiqué du ministre.
Cette arrestation fait suite à un appel à dénonciation de cas suspects et à la collaboration avec les Forces de défense et de sécurité (FDS). Sur la période du 04 septembre au 04 octobre 2024, les contributions citoyennes au niveau des centres d’appel ont permis d’enregistrer 726 dénonciations.
Mais il n’a été précisé nulle part dans le communiqué que les personnes arrêtées sont des Français.
Des images hors contexte
Une recherche d’image inversée avec l’image montrant des corps habillés ayant arrêté certains hommes nous a dirigé vers une image sur fond sonore publiée par la radio internationale allemande DW (Deutsche Welle) le 21 septembre 2016. Il s’agit d’une édition du journal de ce média qui fait cas d’une nouvelle journée de tensions en RDC. Les violences ont causé la mort de 44 personnes dont 6 policiers. L’image a été utilisée pour illustrer un article du même média titré: “ Bruxelles et Washington sanctionnent Kinshasa” et publié le 12 décembre 2016. L’article souligne que l’Union européenne a décidé de sanctionner 7 hauts responsables de l’appareil sécuritaire congolais accusés de violences. Ils sont mis en cause principalement pour la répression meurtrière des manifestations d’opposants à Kinshasa les 19 et 20 septembre 2016.
La recherche a aussi dirigé vers un communiqué publié par l’organisation internationale de défense des droits humains, Human Rights Watch le 16 décembre 2016 et qui a utilisé la même image.
Dans son communiqué, elle relève que le président de la RDC, Joseph Kabila devrait s’engager publiquement, avant la fin de son second mandat, à respecter la constitution et à quitter ses fonctions. En bas de l’image, une légende indique qu’elle provient de l’agence de presse anglaise Reuters. Elle montre des policiers congolais qui ont arrêté des activistes de l’opposition participant à une marche pour appeler le président Joseph Kabila à quitter ses fonctions. Elle a été prise à Kinshasa, dans la capitale de la RD Congo par le photojournaliste Kenny Katombe, le 19 septembre 2016.
Cette image a été utilisée par plusieurs autres médias pour illustrer des articles.
Une recherche d’image inversée avec la photo montrant quatre hommes debout devant trois motos a orienté vers une publication sur le site de la Police nationale du Burkina Faso.
Il s’agit d’une arrestation de la police à travers le Commissariat de Police de l’Arrondissement de Nongr-Mâasom d’une bande composée de quatre individus, tous des récidivistes. Ils sont accusés d’actes de grand banditisme, notamment des vols et des agressions à main armée dans plusieurs quartiers. L’information a été reprise par des médias. Selon le site d’information burkinabè Faso 7, l’information a été donnée le 20 avril 2022 par la Police nationale.
Cette image n’a donc aucun lien avec la prétendue arrestation de 358 espions français dont parle l’auteur de la publication sur Tiktok.
Etat des relations entre la France et le Burkina Faso
Le quotidien français Le Monde évoque dans un article publié le 19 décembre 2023 sur son site que les relations entre la France et le Burkina Faso se sont considérablement dégradées depuis l’arrivée au pouvoir en septembre 2022 du capitaine Ibrahim Traoré. Ouagadougou a dénoncé en mars un accord militaire de 1961 avec la France, après avoir obtenu le retrait des forces françaises.
Aussi, quatre agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont été arrêtés par les autorités burkinabè. Le magazine Jeune Afrique indique dans un article publié le 19 décembre 2023 qu’ils ont été détenus et interrogés dans le plus grand secret à la Direction de la sûreté de l’État (DSE) pendant une dizaine de jours. Le gouvernement français a rejeté les accusations d’espionnage et demandé leur retour immédiat.
En conclusion…
L’information accompagnée d’un montage d’images selon laquelle le président Ibrahim Traoré a arrêté 358 espions français est trompeuse. Les images illustratives de la vidéo sont hors-contexte. Il est vrai que 358 personnes ont été arrêtées au Burkina Faso pour des faits d’observations hostiles ou d’espionnage, mais il n’a pas été précisé que ces personnes étaient de nationalité française.