Une capture d’image et une vidéo virale de 2 minutes 51 secondes partagées dans des groupes WhatsApp prétend montrer une livraison d’armes au groupe terroriste Boko Haram. Et pourtant, c’est faux.
Description de la vidéo
La capture qui est une image de la vidéo qui circule sur WhatsApp est publiée le 4 juillet 2024 sur Facebook par le compte Primus Guénou.
Elle est accompagnée du message : « Livraison d’armes pour les combattants de Boko Haram. Maintenant vous savez comment ça se passe ».
Dans cette vidéo de 2 minutes 51 secondes, on aperçoit un hélicoptère de couleur blanche atterrir dans un lieu où il y a beaucoup d’herbes. Sur place, on voit deux hommes avec des sacs levant leurs mains vers l’engin. Derrière eux se trouvent deux autres personnes dont l’une cagoulée est accroupie et le second filme la scène. Certains parmi ces hommes sont vêtus de la même tenue de couleur marron traversée par de larges bandes jaunes. Une fois que l’hélicoptère s’est posé, on voit sortir un homme qui remet à ceux qui sont au sol des sacs. On voit également un autre homme sortir de l’hélicoptère portant exactement la même tenue vestimentaire que le premier.
La vidéo de l’atterrissage de l’hélicoptère est également apparue ce mois de juin en anglais et en français sur Instagram, sur X et sur YouTube avec la même description totalisant plusieurs vues.
Selon nos recherches la vidéo est mise en ligne depuis le 10 décembre 2021 sur les réseaux sociaux notamment, sur Facebook, groups.google et sur Youtube mais placée dans des contextes différents. Pour certains auteurs il s’agit des bandits qui réceptionnaient des objets non identifiés. D’autres accusent la MONUSCO (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en RD Congo) de ravitailler les rebelles ADF (Forces démocratiques alliées) en rations et munitions. D’autres encore soutiennent que c’est la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) qui est en train de ravitailler et de déplacer les terroristes par hélicoptère d’un point A à un point B.
Attention toutes ces descriptions sont fausses. La rédaction de Togocheck a découvert lors de ses recherches que cette vidéo montre plutôt une opération de réapprovisionnement par hélicoptère filmée dans un parc national en Centrafrique. On vous livre les détails de nos recherches.
Vérifications
L’auteur de la publication contacté le 5 juillet 2024 n’a pas répondu à nos questions.
Nous avons effectué une recherche d’image inversée avec une capture d’image de cette vidéo. Mais nous n’avons pas pu identifier la source réelle ni d’autres résultats liés à cette vidéo.
Une autre tentative avec les mots clés d’un commentaire publié sous la vidéo de l’auteur Primus Guénou : « une opération de réapprovisionnement de routine dans un parc national en Centrafrique » a orienté vers plusieurs résultats. Parmi ces résultats nous avons retrouvé un démenti sur le site d’African Parks, une ONG créée en 2000 et basée à Johannesbourg, en Afrique du Sud, qui travaille sur la conservation de la nature. L’organisation gère 22 parcs nationaux et aires protégées dans 12 pays couvrant plus de 20 millions d’hectares. Elle intervient en Angola, au Bénin, en République centrafricaine, au Tchad, en République démocratique du Congo, au Malawi, au Mozambique, en République du Congo, au Rwanda, au Soudan du Sud, en Zambie et au Zimbabwe.
Selon une note publiée le 16 décembre 2021 par l’organisation sur son site internet, cette vidéo montre son hélicoptère pendant une mission de ravitaillement de routine qui s’est déroulée le 4 décembre 2021 à Chinko, en République centrafricaine.
Cette mission est effectuée en partenariat avec le gouvernement centrafricain.
African Parks précise que l’hélicoptère transportait les équipes de sensibilisation à la transhumance de Chinko et leurs fournitures dans le parc. Cette intervention permettait d’installer une équipe et leurs fournitures sur le terrain tout en récupérant une autre équipe. Les équipes mènent des missions de sensibilisation prolongées sur le terrain pour dialoguer avec les éleveurs de bétail qui se déplacent dans la région de façon saisonnière. Elles initient un dialogue autour de l’emplacement de Chinko pour les encourager à utiliser les bons itinéraires établis autour du périmètre du parc. African Parks précise que ces équipes de sensibilisation ne sont pas armées. Elles sont clairement identifiées et recrutées au sein de la communauté locale afin de fournir un engagement culturellement sensible et pacifique avec les éleveurs de bétail pour assurer la durabilité à long terme du paysage.
Un tour sur la page Facebook African Parks Chinko montre une photo publiée le 7 septembre 2018 dans laquelle on voit les gardes forestiers en uniformes de couleurs marrons traversées par de larges bandes jaunes.
Ces tenues sont identiques à celles portées par certains hommes qui apparaissent dans la vidéo objet de nos recherches.
Contactée par notre rédaction le 5 juillet 2024 via la messagerie Facebook, Irène Galera Responsable de Communication d’African Parks pour la Région d’Afrique Centrale confirme que la publication qui circule relève d’une fausse information. Selon elle, l’image est bien réelle et a été prise à l’intérieur ou aux alentours de l’Aire de Conservation de Chinko (ACC), à l’Est de la République centrafricaine (RCA), lors du déploiement d’une équipe TANGO. Selon les agents de cette équipe, c’est une image qui date de presque trois ans car les TANGO portent l’ancien uniforme. L’hélicoptère est le même que celui qui apparaît dans l’image véhiculée par les fausses informations. Cet hélicoptère est géré par African Parks en collaboration avec le gouvernement centrafricain. Sans cet appareil, le projet TANGO ne pourrait pas être possible, car les agents travaillent dans les zones sans réseau routier. Cet hélicoptère qui apparaît sur la photo, est le seul moyen pour permettre le déploiement et le ravitaillement des équipes dans cette zone, précise Irène Galera.
Aussi, nous avons fait une visualisation plus approfondie de la vidéo; elle nous a permis de voir le logo un peu flou de ce parc animalier, sur l’hélicoptère blanc qui s’est posé pour le ravitaillement.
Par ailleurs, les recherches par mots-clés ont également permis de retrouver des sites de vérification des faits qui ont démenti cette information depuis décembre 2021.
Cette fausse information a également circulé sur les réseaux sociaux au Nigéria et a été démontée par des sites nigérians. Dans ce contexte, les internautes ont raconté qu’il s’agit des bandits peuls qui reçoivent des armes de l’armée nigériane dans une forêt.
Boko Haram au Nigéria
Selon Amnesty International, une organisation qui défend les droits de l’homme, le groupe appelé Jama atu Ahlis Sunna Lidda a Waati Wal Jihad, plus connu sous le nom de Boko Haram (dont le nom peut se traduire par « l’éducation occidentale est un péché »), est un groupe armé qui s’oppose à l’autorité laïque.
Ses membres luttent contre l’État nigérian depuis 2009 et mènent une campagne de plus en plus intensive d’attentats, de raids éclair contre des villes et des villages, et d’occupation de villes importantes dans le nord-est du pays. Ils s’opposent à tout ce qu’ils considèrent comme étant « influencé par l’Occident », notamment les élections et l’éducation laïque.
Dans un article publié le 24 janvier 2022, le quotidien Le Monde indique qu’à la mi-octobre 2021, l’armée nigériane a annoncé la reddition de 13 243 terroristes et leurs familles à travers tout le nord-est du pays. Ces « sortants » de Boko Haram seraient maintenant près de 20 000 côté nigérian. Au moins 2 000 personnes se sont aussi rendues au Cameroun, selon un décompte datant du mois de septembre. Les trois-quarts des effectifs sont composés de femmes et d’enfants. Environ 1 200 combattants et commandants djihadistes ont également choisi de déposer les armes.
En clair…
La capture d’image suivie de la vidéo qui prétend montrer une livraison d’armes aux combattants de Boko Haram vivant dans le nord-ouest du Nigéria est mensongère. Les images montrent plutôt le centre animalier African Parks effectuant une mission de ravitaillement de routine le 4 décembre 2021 à Chinko, en République Centrafricaine.
